Il était une fois, au cœur de la France, un endroit charnière entre Cahors et Saintes, un lieu de passage obligé pour les voyageurs de l’époque. Dans ce lieu, dans la mystique première moitié du IXe siècle, une abbaye voit le jour, bâtie à la croisée des routes et des voies fluviales. C’était le fruit de la volonté du roi Pépin, qui régnait alors sur l’Aquitaine. Jean Maubourguet, célèbre historien, affirme cette origine, qui demeure pourtant toujours enveloppée dans la brume des légendes. Sarlat, la belle, se dresse alors en parallèle des abbayes de Paunat et de Terrasson, forgeant ainsi le trio sacré de cette époque.. C’est une époque d’intense activité, de construction et de renouvellement. Le tout premier document retrouvé qui mentionne l’existence de cette abbaye remonte à l’année 954.
Le destin a voulu que cette abbaye, l’une des six grandes abbayes du Périgord, soit épargnée par les Vikings, ces terribles envahisseurs du Nord. Nichée loin de la Dordogne et de ses affluents, elle devient un sanctuaire de paix et de foi, préservé des hordes sauvages. Dans la chronique de Charles le Gros, empereur des Romains et roi de France en 886, figure une mention spéciale de l’abbaye. Il ordonne la réparation de l’église abbatiale, érigée en l’honneur du Sauveur du Monde, située dans le vicus de Sarlat, et la place sous sa protection. C’est dans cette période trouble que Bernard, comte de Périgord, offre l’abbaye à Odon, abbé de Cluny, pour qu’ils y rétablissent la discipline monastique. Malgré cela, l’abbaye garde une indépendance farouche, ne tombant jamais sous la coupe de Cluny. Le pape Léon VII lui-même, donne un bref de privilège à l’abbaye, prononçant anathème contre toute personne qui oserait s’en emparer sans avoir été légitimement élue par les moines. Le mystère plane toujours sur la date de transfert des reliques de saint Sacerdos à Sarlat. Certains murmurent qu’il aurait été provoqué par les attaques des Vikings en 848. Pour d’autres, la translation se serait produite plus tard, vers 962, lorsqu’Hubert, avec l’aide du comte de Périgord Guillaume II Talleyrand ou Taillefer, s’empare du monastère.
Saint Bernard lui-même, sur son passage en 1147, y accomplirait le miracle des pains, ancrant ainsi l’abbaye de Sarlat dans la légende.

En 1153, marquant son indépendance, l’abbaye se place sous la protection directe du Saint-Siège à Rome. Les papes Eugène III et Alexandre III confirmèrent ses possessions en 1153 et 1170. La grande reconstruction de l’abbaye, entre 1125 et 1160, a marqué son apogée à la fin du XIIe siècle.

Benejeam Mireille. Les vestiges romans de l’ancienne abbaye de Sarlat

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Benejeam Mireille. Les vestiges romans de l’ancienne abbaye de Sarlat (Dordogne).. In: Archéologie du Midi médiéval.
Tome 23-24, 2005. pp. 221-246;
doi : https://doi.org/10.3406/amime.2005.1834
https://www.persee.fr/doc/amime_0758-7708_2005_num_23_1_1834

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