Par J-M Blancherie

Ecoutez le récit

 

Dans les veines de Domme, cette ancienne Bastide du Périgord, une histoire. François. Un homme de l’endroit, un homme des terres. Il y avait quelque chose de robuste en lui, un lien à la terre, une solidité, une lumière, qui évoquait les murs de pierres blondes de la vieille citadelle. Sa vie était aussi sinueuse que les ruelles de Domme étaient droites, pavées de calcaire éclatant sous le soleil de l’après-midi.
Son refuge, c’était sa fromagerie. Les meules de fromage s’alignaient sur les étagères comme les pages d’un livre, chaque pièce une histoire, un fragment de temps. L’odeur de l’endroit, une symphonie de parfums, une mélodie de lait, de champignons, de noisettes et de cave fraîche.
C’est dans cette mélodie qu’elle est entrée, Claire. Une Parisienne, vive, irrévérencieuse, un vent de printemps au milieu de l’hiver. Elle était une artiste, peintre de la vie avec des couleurs, vives, son esprit. Le silence monacal de la fromagerie, sa présence, un carillon qui tintinnabulait. François la regardait peindre. Il la regardait transformer le monde, plus vibrant, plus vivant. Elle prenait le Périgord et le rendait éternel. Des images brillaient de mille feux même dans le crépuscule de l’hiver. Et François, dans sa tranquillité contemplative, l’observait, découvrait un nouveau monde. Mais Claire était une comète, un éclat de lumière dans la nuit qui disparaît aussi vite qu’il apparaît. Elle est partie aussi soudainement qu’elle était venue, laissant derrière elle une fromagerie silencieuse, un tableau inachevé. Un éclat de son monde qui restait, suspendu dans le temps.
François se retrouva seul dans le silence de la fromagerie, seul avec les fantômes de ce qui avait été. Mais ces fantômes, plutôt que de le tourmenter, lui parlaient. Ils parlaient de la passion de Claire, de la façon dont elle avait vu le monde, de la façon dont elle
avait aimé. Claire avait disparu, mais elle avait laissé quelque chose derrière elle. Dans le silence de la fromagerie, dans le tableau inachevé, il y avait une part d’elle qui flottait, parlait, François pensait entendre.
Et François a appris. Il a appris que même dans l’isolement, on n’est jamais vraiment seul. Que même dans le silence, il y a une mélodie. Que même dans l’absence, il y a une présence. Et cette présence était Claire. Elle était Claire. Dans les meules de fromage, dans le tableau inachevé, dans les rues médiévales de Domme. François a continué à vivre, à travailler dans sa fromagerie. Les saisons ont changé, les années ont passé. Mais il n’était plus le même homme. Il avait aimé, il avait perdu, mais surtout, il avait appris. Appris que l’amour n’était pas qu’une question de présence, mais aussi d’empreinte. Claire, toujours là, dans chaque ombre du tableau inachevé.
Restait une douce mélancolie, une chanson silencieuse qui résonnait dans son cœur.
Sans cesse, les moments de solitude, il se tenait devant le tableau inachevé. Les traits de Claire y étaient toujours visibles, vision du monde toujours présente. Il se perdait dans les couleurs, laissait son esprit vagabonder dans le paysage qu’elle avait créé. Il sentait, palpait, son amour pour elle, un amour transformé.
Un jour, alors que le crépuscule enveloppait Domme d’un manteau d’or et de pourpre, il murmura un simple « merci » à l’air. Merci à Claire. Pour le temps partagé, pour l’amour ressenti, pour les leçons apprises. Pour le tableau inachevé, le testament silencieux de leur histoire. La nuit tomba, et avec elle vint une tranquillité. François regarda une fois de plus le tableau, puis ferma la fromagerie. En montant la rue pavée vers sa maison, il sentit la brise fraîche du soir sur son visage. Une brise qui portait avec elle un murmure, un écho de « je t’aime ». Et alors, sous les étoiles de la vieille Domme, François sut qu’il n’était jamais seul. Que l’amour, même perdu, ne disparaissait jamais complètement. Il était là, imprégné dans la pierre, dans le bois, dans les rues de la vieille ville. Dans le tableau inachevé. Et avec cette réalisation vint un sourire. Un sourire de paix, d’acceptation. Un sourire qui, sous le ciel étoilé du Périgord, brilla aussi fort que l’amour qu’il avait connu. Un amour qui, comme la vieille bastide de Domme, était éternel.

Par J-M Blancherie

Ecoutez le récit

 

In the veins of Domme, this ancient Bastide of Périgord, lies a story. François. A local man, a man of the land. There was something sturdy about him, a connection to the earth, a solidity, a light, reminiscent of the blonde stone walls of the old citadel. His life was as winding as the streets of Domme were straight, paved with limestone gleaming under the afternoon sun.

His refuge was his cheese shop. The wheels of cheese lined the shelves like the pages of a book, each piece a story, a fragment of time. The smell of the place was a symphony of scents, a melody of milk, mushrooms, hazelnuts, and cool cellar air.

That’s when she walked into this melody, Claire. A Parisian, sharp, irreverent, a breath of spring in the middle of winter. She was an artist, painting life with vibrant colors, her spirit. The monastic silence of the cheese shop, her presence, a chiming bell. François watched her paint. He watched her transform the world, making it more vibrant, more alive. She took Périgord and made it timeless. Her images shone brilliantly, even in the winter twilight. And François, in his contemplative tranquility, observed her, discovering a new world. But Claire was a comet, a flash of light in the night that disappears as quickly as it appears. She left as suddenly as she had come, leaving behind a quiet cheese shop, an unfinished painting. A piece of her world remained, suspended in time.

François found himself alone in the silence of the cheese shop, alone with the ghosts of what had been. But these ghosts, rather than tormenting him, spoke to him. They spoke of Claire’s passion, of how she had seen the world, of how she had loved. Claire had vanished, but she had left something behind. In the silence of the cheese shop, in the unfinished painting, there was a part of her that floated, spoke, François thought he could hear.

And François learned. He learned that even in isolation, one is never truly alone. That even in silence, there is a melody. That even in absence, there is a presence. And that presence was Claire. She was Claire. In the wheels of cheese, in the unfinished painting, in the medieval streets of Domme. François continued to live, to work in his cheese shop. The seasons changed, the years passed. But he was no longer the same man. He had loved, he had lost, but most importantly, he had learned. Learned that love was not just a matter of presence, but also of imprint. Claire, always there, in every shadow of the unfinished painting.

What remained was a sweet melancholy, a silent song resonating in his heart. In moments of solitude, he would stand in front of the unfinished painting. Claire’s lines were still visible, her worldview still present. He would lose himself in the colors, let his mind wander in the landscape she had created. He felt, palpated, his love for her, a love transformed.

One day, as twilight enveloped Domme in a cloak of gold and purple, he whispered a simple « thank you » into the air. Thank you to Claire. For the time shared, for the love felt, for the lessons learned. For the unfinished painting, the silent testament of their story. Night fell, and with it came tranquility. François looked once more at the painting, then closed the cheese shop. Climbing the cobbled street towards his home, he felt the cool evening breeze on his face. A breeze that carried with it a whisper, an echo of « I love you ». And so, under the stars of old Domme, François knew he was never alone. That love, even lost, never completely disappears. It was there, ingrained in the stone, in the wood, in the streets of the old town. In the unfinished painting. And with this realization came a smile. A smile of peace, of acceptance. A smile that, under the starry sky of Périgord, shone as brightly as the love he had known. A love that, like the old bastide of Domme, was eternal.